Jean-Honoré Fragonard - Le Verrou
Verrou moral
La polémique qui éclate en 1974 lorsque le Musée du Louvre décide d’acquérir Le Verrou (vers 1777-
1778) n’est donc pas surprenante. Pierre Rosenberg, qui présidait à l’acquisition, raconte cet épisode
dans le catalogue de l’exposition.
Le Verrou est un tableau horizontal de moins d’un mètre de large qui figure une chambre au lit
défait en clair-obscur. La lumière éclaire un couple enlacé dont l’homme en chemise et caleçon tire
un verrou avec sa main droite et tient par la taille une femme dont on ne sait si elle le repousse ou
l’attire. Au deuxième plan, les draps désordonnés promettent une action prochaine dont on ne sait si
elle sera consentie ou non. Mais ce n’est pas cette ambiguïté qui est à l’origine de la polémique, c’est
le style. Lattribution à Fragonard est contestée. Il n’a pas pu peindre ainsi, dit-on, lui qui faisait
éclater la lumière à tous les coins de ses tableaux. Quant au sujet, il étonne à cause de sa brutalité
apparente et d’une interprétation morale qui justifierait le sous-titre qui lui est souvent donné, Le
Viol.
En réalité, Le Verrou fait partie d’une sorte de conte moral en trois épisodes dont Fragonard
dessinera, gravera ou fera graver la suite au début des années 1780 avec LArmoire et Le Contrat. Le
Verrou représente la faute. LArmoire figure un homme surpris par un couple avec un chien dont
l’homme tient un bâton pendant que la femme fautive sèche ses larmes tout à côté dans un grand
drap. Le Contrat symbolise la réparation par la signature d’un acte de mariage. Ce moralisme non
dénué d’humour est un tournant par rapport aux «polissonneries» des années précédentes.
https://www.letemps.ch/culture/desordres-amoureux-jeanhonore-
fragonard?srsltid=AfmBOorc1UaBY48bZr8vy0VJwX7MRPTC9rlb91DKqlAwKbH6C-7UGIxt